8. Bilan de l’extension cancéreuse.
Le choix du traitement du cancer de la prostate dépend de son stade. L’essentiel est en effet de distinguer les cas encore limités auxquels on peut espérer opposer un traitement à visée curative, de ceux déjà étendus ou métastasiques où seule une thérapeutique palliative est à envisager.
• Recherche des métastases.
La première chose à faire c’est la radio pulmonaire. On connaît la grande fréquence des localisations osseuses d’autant que le dosage des P.S.A. est élevé. Il faut donc dépister ces métastases par la scintigraphie osseuse.
9. Traitement du cancer de la prostate.
a) Méthodes thérapeutiques.
• Thérapeutiques hormonales
On sait que les cancers de la prostate sont sensibles à l’action des hormones. Leur croissance est stimulée par les androgènes . Elle est freinée par la diminution des androgènes circulants. Il faut savoir que d’emblée 20% de ces cancers restent insensibles à l’action de ces hormones. De plus, parmi ceux qui sont sensibles, certains acquerront une résistance au bout d’un certain temps.
Le but des traitements hormonaux est donc de lutter contre l’action favorisante des androgènes et en particulier de la testostérone. Deux techniques sont possibles: soit l’arrêt de la production des androgènes, c’est à dire la castration qu’elle soit médicale ou chirurgicale, soit d’empêcher l’action des androgènes au niveau des cellules cibles par les anti-androgènes périphériques.
Castration.
Elle peut être chirurgicale ou médicale:
-Castration chirurgicale: c’est un moyen très efficace pour faire chuter le taux des androgènes. Ce traitement est dénué de risques et ne nécessite pas de surveillance à long terme. Sur un plan technique on réalise une pulpectomie c’est à dire l’ablation de la pulpe testiculaire en laissant en place l’albuginée qui est refermée.
-Castration médicale: elle est obtenue par les analogues de la LHRH.
La LHRH est une hormone d’origine hypothalamique qui stimule la production de LH par l’hypophyse, qui elle-même stimule la production des androgènes par le testicule. L’administration d’analogues de la LHRH entraîne une phase d’hyperandrogénie due à la mise en circulation brutale et massive des réserves de LH hypophysaire, puis un tarissement de la production des androgènes testiculaires en interdisant la reconstitution de la reserve de LH. Ces produits sont faciles à employer (une administration parentérale toutes les quatre semaines par une injection intramusculaire ou sous-cutanée). Ils réalisent une véritable castration médicale, le taux de testostérone plasmatique descend en dessous de 0,5 ng/ml, c’est-à-dire au taux de castration.
Traitements anti-androgéniques non oestrogéniques.
Leur effet est d’empêcher l’action des androgènes sur les cellules cibles. Bien que l’effet soit le même, on ne peut pas parler de castration puisqu’il n’y a pas de tarissement de la sécrétion androgénique testiculaire.
Pour avoir une action au sein de la prostate, la testostérone (qui est le principal androgène) doit être convertie en dihydrotestostérone (DHT). Celle-ci doit ensuite pénétrer dans le noyau des cellules. Les anti-androgènes empêchent cette pénétration. Les trois produits habituellement employés en France sont: Androcur, Anandron, Eulexine. Ils sont utilisés en complément de la castration pour lutter contre l’action des androgènes d’origine extratesticulaire. Ils semblent améliorer les résultats de la castration en réalisant un blocage hormonal total.
Echappement de la tumeur aux anti-androgènes.
Les tumeurs prostatiques peuvent être d’emblée hormonorésistantes (20%), mais lorsqu’elles sont hormonosensibles elles peuvent échapper au traitement et devenir ou sembler devenir hormonorésistantes.
• Chirurgie.
Elle peut être radicale ou palliative:
Prostatectomie radicale.- Il s’agit d’une prostatectomie totale. Elle a pour objet d’enlever la totalité de la glande prostatique, des vésicules séminales et des ampoules déférentielles.Elle ne peut donc s’appliquer qu’aux cas où le cancer est limité à la glande. Ceci suppose un bilan d’extension complet. Si ce bilan est négatif, on réalise l’intervention dont le premier temps consiste en un curage ganglionnaire ilio-obturateur bilatéral avec examen extemporané. La prostatectomie est faite avec une anastomose vésico-urétrale directe.Elle détruit la plus grande partie des deux sphincters lisse et strié et peut détruire également une grande partie des nerfs érecteurs. Elle est potentiellement hémorragique en raison de la riche vascularisation veineuse du plexus de Santorini. Si le bilan est positif, on renonce à la prostatectomie.
C’est une intervention majeure. Le taux d’impuissance est le plus souvent autour de 50% à 1 an après l’intervention. Chez les sujets jeunes avec une lésion très localisée, ce taux peut être réduit à 30-40%.
Le taux d’incontinence postopératoire est inférieur à 5-10%. Si les fuites sont fréquentes dans les jours ou les semaines qui suivent l’ablation de la sonde urétrale, la quasi-totalité de ces fuites disparaissent. La mortalité de la prostatectomie totale est inférieure à 1%. Cependant, c’est elle qui assure les meilleures chances de guérison et le meilleur pronostic à long terme (au-delà de10 ans).
Environ 10% des patients vont développer une récidive locale, premier signe d’échec thérapeutique dans les 5 ans suivant une prostatectomie radicale pour un cancer de la prostate localisé. Si le suivi est plus long, ce taux ne monte qu’à 15%.
Chirurgie palliative.-C’est la résection endoscopique partielle de la tumeur chez un homme dysurique afin de rendre les mictions plus aisées. C’est la dérivation urinaire, par urétérostomie cutanée ou mise en place d’une prothèse urétérale, lorque le cancer envahit les bas uretères et entraîne une insuffisance rénale menaçante.
Agents physiques.
Leur emploi peut avoir pour objet de stériliser le cancer. Ils ne sont alors indiqués que dans les cancers limités à la glande ou la débordant à peine. Il faut réaliser un bilan carcinologique très complet pour exclure une localisation secondaire.On utilise la téléirradiation à la dose de 60 à 70 Grays. Un parfait repérage de la prostate est nécessaire si l’on veut limiter les accidents. Ceux-ci peuvent survenir au cours de l’irradiation mais aussi au bout de quelques mois, voire quelques années. Les accidents précoces sont les cystites et les rectites radiques qui régressent à la fin de l’irradiation. Par contre on peut voir survenir secondairement des fibroses pelviennes pouvant sténoser les uretères, des cystites hématuriques, des rétractions vésicales à l’origine d’une pollakiurie et d’impériosités intolérables. Le recours à la cystectomie de confort a pu s’avérer nécessaire.
L’irradiation n’est pas toujours totalement active puisque des biopsies prostatiques faites après traitement peuvent rester positives.
Le but de la radiothérapie peut aussi être palliatif: dans les cancers évolués avec métastases osseuses douloureuses, elle a un excellent effet antalgique à condition que la douleur soit localisée.
B) Choix du traitement.
Le traitement du cancer de la prostate ne doit être entrepris que si l’on a acquis la certitude du diagnostic. Le choix de la thérapeutique se base sur plusieurs notions:
-stade du cancer et nature histologique,
-âge du patient et désir de conserver une activité sexuelle,
-état vasculaire (athérome, infarctus ou phlébites).
• Traitement du cancer au stade A.
Normalement, on pourrait s’abstenir de tout traitement à ce stade, à condition d’assurer une surveillance régulière du patient (sujet âgé). Si le patient est jeune, on a tendance à entreprendre un traitement par prostatectomie radicale ou par radiothérapie qui comporte moins de risques en particulier sexuel.
• Traitement du cancer au stade B.
Il est impératif d’instaurer un traitement et une surveillance. Chez le sujet âgé on emploie la castration médicale ou chirurgicale. Chez le sujet jeune, il faut insister sur l’intérêt de la prostatectomie radicale qui donne le meilleur pronostic au-delà de 10 ans.
• Traitement du cancer au stade C.
Les traitements anti-androgéniques sont les seuls à pouvoir être utilisés avec une efficacité parfois surprenante.
• Traitement du cancer au stade D.
Seule la castration médicale ou chirurgicale est indiquée. Lorsque le cancer est menaçant à court terme (insuffisance rénale par obstacle urétéral bilatéral sur la tumeur, syndrome subocclusif, douleurs viscérales ou osseuses) on a recours à l’adjonction de fortes doses de corticoïdes. C’est là que l’on peut tenter un traitement par des oestrogènes intraveineux à fortes doses ( ST52). Leur efficacité n’est pas évidente.
• Cas particuliers dans les cancers évolués.
Présence de métastases osseuses douloureuses.
En cas de métastases douloureuses, il est possible d’employer la radiothérapie sur les foyers osseux localisés, voire la corticothérapie à fortes doses.
Survenue d’une insuffisance rénale par obstacle néoplasique.
Si c’est le cas, se pose le problème de la dérivation urinaire (prothèse urétérale, urétérostomie cutanée, néphrostomie par chirurgie percutanée)
10. Surveillance du traitement.
C’est en fonction de la gravité du cancer. Dans les formes habituelles, le patient sera revu tous les 3 à 6 mois. On se base sur :
-les données de l’examen clinique et du toucher rectal,
-le dosage des P.S.A.,
-le dosage de la testostéronémie.
Dans certain cas, il faut ajouter une échographie vésicoprostatique et une scintigraphie osseuse.
Il faut savoir qu’après une prostatectomie radicale, le taux de P.S.A. doit être totalement effondré. La moindre élévation, même faible, doit faire craindre une récidive.
11. Que faire si le cancer traité évolue à nouveau?
Tout dépend du traitement initial.
Si le traitement initial est local (prostatectomie radicale ou radiothérapie), il suffit d’instaurer un traitement général par castration médicale ou chirurgicale généralement associée à un anti-androgène périphérique pour obtenir un blocage hormonal.
Si le traitement est une castration, il faut se guider sur le taux de testostéronémie. Le mieux est alors de compléter la castration par la prescription d’un anti-androgène périphérique.
Il faut savoir qu’en France le cancer de la prostate est la deuxième cause de mortalité par cancer de l’homme.
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