1 IntroductionLes syndromes néphrotiques constituent un groupement de signes et de symptômes qui expriment toujours une maladie des glomérules rénaux mais dont la nature et la cause sont variables.
La définition est essentiellement biologique :
• protéinurie importante > 50 mg/kg/j ou 40mg/m2/h
• hypoprotéinémie < 60 g/l
• hypoalbuminémie < 30 g/l
2 PhysiopathologieLa fuite massive des protéines dans les urines entraîne une hypoprotéinémie qui aura pour conséquences :
• une diminution de la pression oncotique du plasma responsable d'une hypovolémie, des oedèmes et d'un hyperaldostéronisme secondaire,
• une augmentation de la synthèse hépatique des protéines et des lipoprotéines,
• et dans les formes prolongées, des complications de la fuite protéique et des substances liées à ces protéines (dénutrition, sensibilité aux infections, anémie,...)
3 Etude symptomatique3.1 Les éléments du syndrome néphrotique3.1.1 Les éléments cliniquesLe début est le plus souvent brusque avec :
- Symptomes oedémateux
• des oedèmes périphériques
• possibilités d'épanchement pleural, ascite, hydrocèle rentrant dans le cadre d'un anasarque.
• parfois le syndrome oedémateux est absent et la découverte se fait lors d'un examen systématique.
- Tension artérielle
• Le plus souvent normale, voire abaissée, en rapport avec une hypovolémie importante. Parfois HTA.
3.1.2 Les éléments biologiques3.1.2.1 ProtéinurieEst quantitativement importante, obligatoirement supérieure à 50 mg/kg/24h. Elle peut atteindre des taux très élevés de l'ordre de 10 ou même 20g/24H. ou 40mg/m2/h.
L'immuno-électrophorèse montre que cette protéinurie est faite surtout d'albumine et de sidérophyline.
• si ces deux éléments sont seuls présents, la protéinurie est dite "sélective".
• si ces deux éléments sont associés à des globulines de poids moléculaire plus élevé, la protéinurie est dite "non sélective" et fait craindre des lésions d'hyalinose segmentaire et focale.
3.1.2.2 HématurieIl existe une hématurie microscopique dans 15 à 20% des cas.
L'hématurie macroscopique est très rare, elle fait craindre une thrombose des veines renales.
3.1.2.3 Syndrome humoralLa proteinurie massive entraîne :
- une hypoprotidémie <50g/l
- une hypoalbuminémie <30g/l
- à l'électrophrorèse des protides :
• hypogammaglobulinémie
• hypo ou alfa globulinémie
- augmentation du taux de cholestérol (VLDL, LDL et HDL) et des triglycérides, parfois de façon considérable.
3.1.2.4 Troubles ioniques- natrémie normale ou diminuée :
• du fait de l'hyperlipidémie.
• du fait de l'inflation hydrique avec hémodilution
- calcium ionisé normal mais calcium total abaissé.
3.1.2.5 Fonction rénaleLe plus souvent normale, sauf en cas d'hypovolémie majeure où il y a possibilité d'insuffisance rénale fonctionnelle.
3.1.2.6 Facteurs de coagulation- diminution des facteurs IX, XII et d'antithrombine III
- augmentation des facteurs, V, VII, VIII ,von Willebrand, X et du fibrinogène
- baisse des protéines C et S.
3.1.3 Classification du syndrome néphrotique La néphrose lipoïdique ou syndrome néphrotique pur et primitif se définit par : absence d'hématurie, absence d'hypertension artérielle et absence d'insuffisance rénale (sauf insuffisance rénale fonctionnelle transitoire). La protéinurie est sélective.
Le syndrome néphrotique est impur si l'un ou plusieurs des éléments ci-dessus sont présents (hématurie, hypertension et insuffisance rénale). La protéinurie est alors non sélective.
3.2 Les complications3.2.1 Les thrombses vasculaires- Thrombses veineuses :
• veines périphériques
• veines rénales.
- Parfois thromboses artérielles favorisées par la diminution de l'antithrombine III, l'hyperfibrinémie et le déficit fonctionnel en protéines C et S.
3.2.2 Collapsus cardio-vasculaireAu début des poussées, surtout lorsque la débacle urinaire obtenue par les diurétiques est trop brutale. Ce collapsus est dû à une hypovolémie très marquée.
3.2.3 Infections- cutanées, pulmonaires, péritonéales, ,
- le plus souvent à pneumocoque et à streptocoque mais aussi virales :
• favorisées par l'hypo-gamma-globulinémie.
• aggravées par les traitements immunosupprésseurs.
3.2.4 Syndromes carentiels- dénutrition par fuite protidique,
- ostéoporose,
- anémie hypochrome (fuite de la transferrine),
- hypothyroïdie par fuite des protéines porteuses,
Ces complications apparaissent lors de syndromes néphrotiques importants ou prolongés et entrainent une cassure de la croissance staturopondérale
4 Formes anatomo-cliniques et étiologiques4.1 La néphrose lipoïdiqueEnviron 80 % des cas de néphrose.
4.1.1 Histopathologie3 aspects possibles :
- "lésions glomérulaires minimes" le plus souvent (plus de 3/4 des cas) :
• en microscope optique, glomérules pratiquement normaux,
• en microscope électronique, fusion des pieds de podocytes,
• en immunofluorescence, pas de dépôts ou petits dépôts d'IgM.
- lésions de "hyalinose segmentaire et focale"
• dépôts d'aspect hyalin sous l'endothélium des parois capillaires, dans certaines anses seulement et dans certains glomérules seulement.
• l'immunofluorescence montre surtout des dépôts d'IgM et de complément.
- Plus rarement, prolifération mésangiale modérée isolée.
4.1.2 Circonstances étiologiques
Tous les âges sont concernés, mais le pic de fréquence se situe entre 3 et 8 ans.
Le garçon est atteint plus fréquemment que la fille.
Il y a souvent un petit syndrome infectieux dans les jours qui précèdent l'éclosion de la maladie.
Il existe parfois un contexte allergique, personnel ou familial.
4.1.3 Symptomatologie
La symptomatologie clinique est souvent évidente, avec un syndrome oedémateux rapidement constitué.
La symptomatologie biologique est complète et pure.
4.1.4 Evolution et traitementL'évolution dépend de la réponse à la corticothérapie. Dans la majorité des cas, la néphrose est corticosensible. Les rechutes sont fréquentes soit après arrêt du traitement soit lors de la baisse de la corticothérapie, définissant l'état de corticodépendance.
L'évolution à long terme est favorable, même si la maladie évolue sur de nombreuses années, de 5 à 15 ans.
Tant que la néphrose est corticosensible, le risque d'insuffisance rénale est presque nul. (10% des enfants sont corticorésistants)
4.1.4.1 Traitement symptomatique- Régime alimentaire riche en protéines, bien que ceci n'ait pas d'effet sur le niveau d'albuminémie.
- Restriction sodée pour limiter l'importance des oedèmes
- Diurétiques si oedèmes importants : avec prudence !, et associés à une perfusion d'albumine pour une meilleure efficacité (mettre directement le Furosémide dans le flacon d'albumine).
- Pas d'immobilisation et anticoagulant si hypoalbuminémie inférieure à16g/l.
- Supplémentation en vitamine D et en calcium.
- Antibiothérapie si infection.
4.1.4.2 Traitement étiologique- Corticothérapie : C'est le traitement de fond. Il doit être institué d'emblée.
• PREDNISONE 60 mg/m2/j sans dépasser 80 mg/j pendant 4 semaines ; en une à deux prises.
Si le syndrome néphrotique est inchangé ou qu'il persiste une proténurie :
• METHYLPREDNISOLONE 1g/1.73m2 : 3 injections à 48h d'intervalle.
Le patient est dit corticosensible si la protéïnurie disparait. Puis :
• PREDNISONE 60mg/m2 un jour sur deux pendant 8 semaines puis diminution de 15mg/m2 tous les quinze jours.(Traitement de 4 mois et demi).
o Si rechutes espacées ( 75% des cas), reprise du même schéma.
o Si corticodépendance, le traitement de base est la corticothérapie discontinue prolongée.
• LEVAMISOLE : L'adjonction de LEVAMISOLE peut espacer la fréquence des rechutes.
Effet secondaire: neutropénie.
- Immunosuppresseurs
• Si la maladie n'est pas maitrisée par la corticothérapie.
• S'il existe plus de deux rechutes par an, on peut utiliser :
o Les agents alkylants par exemple l'ENDOXAN (cyclophosphamide). On observe des effets secondaires, principalement une insuffisance gonadique.
o Ciclosporine A.
Elle diminue la production de lymphokine par les lymphocytes T activés.
Elle permet le maintien en rémission de 75 à 90% des cas.
Mais en général les enfants corticodépendants sont également ciclosporine-dépendants.