IntroductionLe dépistage est l'identification dans une population a priori en bonne santé, de sujets présentant soit une maladie inapparente, soit un risque élevé d'une maladie donnée, en vue d'examens complémentaires ou de mesures de prévention.
Il est différent du diagnostic dans lequel les examens sont réalisés sur indications, symptômes, ou test de dépistage positif, en vue d'un traitement.
Le dépistage va "transformer" des personnes se croyant bien portantes en malades. Il faut donc être tout à fait sûr que ses avantages surpassent ses inconvénients.
Notamment, est-il acceptable par la population, reproductible, quels seront son coût et sa difficulté de réalisation, apportera-t-il un bénéfice si un traitement plus précoce est entrepris (si celui-ci existe)?
Mesure de la performance d'un test diagnostique
1. Identification des maladesDans la plupart des situations, le médecin est surtout intéressé à savoir si le test identifie correctement tous les patient
qui ont la maladie. La caractéristique correspondante du test est la
sensibilité qui est définie comme la
capacité du test à correctement identifier les individus qui ont la maladie. La sensibilité est le
rapport du nombre de patients qui ont un test positif et ont la maladie (vrais positifs = VP) sur le nombre total de patients qui ont la maladie. La sensibilité est une proportion et peut donc prendre des valeurs de 0,0 ou 0% (aucun malade n'est correctement identifié) à 1,0 ou 100% (tous les malades sont correctement identifiés, il n'y a aucun faux négatif (FN)).
| maladie présente | maladie absente | total |
test positif | VP | FP | VP+FP |
test négatif | FN | VN | FN+VN |
total | VP+FN | VN+FP | N |
Sensibilité = Se = VP / (VP + FN) |
La sensibilité d'un test ne peut être correctement déterminée qu'en appliquant le test à un groupe de patients dont on a la certitude qu'ils ont la maladie. Il est important de sélectionner un groupe comportant non seulement des patients chez qui la présence de la maladie est évidente, mais aussi des patients dont le tableau clinique pourrait orienter vers une autre maladie.
2. Identification des non-maladesUn test qui serait 100% sensible aurait la capacité de correctement identifier tous les patients qui ont la maladie, mais ne serait parfait que s'il identifiait correctement aussi tous les patients qui n'ont pas la maladie. Cette capacité est la
spécificité, qui est définie comme la
capacité du test à correctement identifier les individus qui n'ont pas la maladie. En pratique, la spécificité est le
rapport du nombre de patients qui ont un test négatif et n'ont pas la maladie (les vrais négatifs = VN) sur le nombre total de patients qui n'ont pas la maladie. La spécificité est une proportion et peut donc prendre des valeurs de 0,0 ou 0% (aucun non-malade n'est correctement identifié) à 1,0 ou 100% (tous les non-malades sont correctement identifiés; il n'y a aucun faux positif (FP)).
Spécificité = Sp = VN / (VN + FP) |
La spécificité d'un test est déterminée en appliquant le test à un groupe d'individus dont on a la certitude qu'ils n'ont pas la maladie. Il est important de sélectionner un groupe comportant non seulement des patients chez qui l'absence de la maladie est évidente, mais aussi des patients porteurs d'autres maladies qui sont difficilement différenciables de la maladie pour laquelle le test est développé, en particulier des patients chez qui la présence de la maladie a d'abord été suspectée puis récusée.
3. Exemple:Diagnostic de l'infection par le VIH par la méthode ELISA. Ce test est appliqué chez 162 patients porteurs asymptomatiques du VIH dont le diagnostic a déjà été confirmé par un bilan virologique plus complet.
| VIH présent | VIH absent | total |
ELISA positif | 157 | 4 | 161 |
ELISA négatif | 5 | 1996 | 2001 |
total | 162 | 2000 | 2162 |
Se = 157 / 161 = 0,97 ou 97%
Sp = 1996 / 2000 = 0,998 ou 99,8%.
4. Choix d'un seuil de positivitéLe choix d'un seuil de positivité, dans le cas de tests quantitatifs, permet de définir la valeur à partir de laquelle le résultat sera considéré comme positif (dosage biologique).
Dans la pratique, ce choix dépendra de la gravité des conséquences des erreurs de classification:
- Si les conséquences d'une erreur de diagnostic par défaut (FN) sont graves et si les tests de confirmation de la présence de la maladie sont peu chers et peu dangereux, on choisira un seuil bas (dépistage de la phénylcétonurie chez le nouveau-né, dépistage de séropositifs au VIH chez des toxicomanes). On augmentera ainsi le nombre de VP, mais également celui des FP.
- Au contraire, le seuil sera placé plus haut si l'on cherche surtout à éliminer le diagnostic et si les conséquences d'un FP sont graves ou coûteuses (dosage de l'alpha-foeto-protéine pour le diagnostic des anomalies congénitales du système nerveux central pendant la grossesse, dépistage de séropositifs au VIH dans les centres de transfusion sanguine). On augmentera ainsi le nombre de VN, mais également celui des FN.
Le choix d'un seuil bas va donc augmenter la sensibilité et diminuer la spécificité; alors que le choix d'un seuil haut va augmenter la spécificité et diminuer la sensibilité:
Variation de la sensibilité et de la spécificité du test ELISA avec le seuil de positivité:
| Seuil de positivité |
| > 3 | > 4 | > 5 | > 6 |
Sensibilité (%) | 97,7 | 97,5 | 97,3 | 96,6 |
Spécificité (%) | 92,6 | 97,5 | 98,6 | 99,3 |
Evaluation de l'utilité d'un programme de dépistage
- Maladie appropriée:
- grave;
- avec une phase préclinique longue;
- fréquente dans la population-cible;
- disponibilité d'un traitement efficace, et ce d'autant plus que le traitement est appliqué plus précocément;
- conséquences économiques;
Stratégie appropriée:
validité du dépistage: bonne spécificité et bonne sensibilité (éventuellement en ajustant les seuils ou en combinant des tests); possibilité d'améliorer les valeurs prédictives en ciblant des populations à prévalence plus ou moins élevée;
fiabilité du dépistage: les problèmes de reproductibilité et de précision du test risquent d'être beaucoup plus importants "sur le terrain".
Structure appropriée:
tenir compte de l'accessibilité aux services de prévention ou de soins;
tenir compte de la charge accrue de travail que le dépistage va représenter pour le système de soins (ressources matérielles et compétences nécessaires);
tenir compte du coût de ces activités supplémentaires dans l'évaluation de celui du programme de dépistage;
vérifier l'acceptabilité du programme: les procédures diagnostiques initiales, les procédures de confirmation et la thérapeutique proposée; elle doit être vérifiée auprès de toutes les personnes visées par le programme, y compris les professionnels de santé;
tenir compte des risques liés aux différentes étapes, des coûts associés, et des questions d'éthique.